Tour des Aiguilles d'Arves en ski de randonnée
Avez-vous déjà eu la chance de contempler les Aiguilles d’Arves en Maurienne? En ski alpin, vous les admirez depuis une des stations de ski des Sybelles ou depuis Valloire. En ski de randonnée, l’Aiguille de l’épaisseur offre d’après nous le plus beau balcon panoramique ! On accède à ce sommet depuis Bonnenuit sur la route du col du Galibier. Evidemment pas de remontées mécaniques, il faut s’y rendre à la force des jambes. Le souvenir de la beauté de ce massif nous déclencha l’idée d’un défi. Un défi un peu fou en mode dépassement de soi pour tester nos limites. Et si on tentait le tour des Aiguilles d’Arves en ski de randonnée à la journée ? Suivez le guide !
Les conditions
Certains défis n’a pas toujours d’explication. Elle découle souvent du cumul de plusieurs conditions favorables : une bonne météo, un besoin extrême de se défouler et une envie de fromage de montagne.
De fortes chutes de neige fêtent cette année le jour du Printemps, ce samedi 20 Mars. Belledonne et Maurienne ont fait le plein de poudreuse pour le bonheur du skieur de randonnée. Les conditions vont se stabiliser avec le retour du beau temps dès Dimanche et pour toute la semaine. Ce lundi matin sur skitour, je vois que l’Aiguille de l’épaisseur a été faite. Il ne nous en faut pas plus pour poser des congés pour la fin de semaine. Nous irons faire 4 jours de ski de randonnée à Valloire.
Je fais part à Mika de l’idée qui me trotte dans la tête : le Tour des Aiguilles d’Arves à la journée. 3 cols à passer, 2600m de dénivelée positif et des vues à couper le souffle. Curieusement, je n’ai pas eu besoin d’insister face à un challenger comme lui. L’appel du défi résonna positivement dans le cerveau de Mika. En bon logisticien, il analyse l’itinéraire sur Géoportail et l’enregistre dans son smartphone. Le programme du week-end est simple : objectif tour des Aiguilles jeudi. Le reste du week-end importe peu si on réalise ce challenge.
Accès
Mercredi après-midi on entre sur l’autoroute de la Maurienne A 43. Belledonne a revêtu un manteau blanc digne d’un mois de Janvier. Par contre au col du Télégraphe à 1500m, on trouve l’enneigement faible. Pas d’inquiétude nous allons jusqu’à Bonnenuit à 1700m d’altitude sur la route du col du Galibier. Un arrêt à la fromagerie coopérative de Valloire. En Maurienne, on se trouve sur le territoire du Beaufort, du bleu de Bonneval et bleu de Termignon. On n’allait tout de même pas se priver de ces 3 merveilles. Vous aurez compris qu’on aime allier plaisir de la glisse et plaisir culinaire.
Nous voilà arrivés à Bonnenuit et effectivement l’enneigement au départ est tout juste suffisant. On ne stationne pas au parking de la randonnée, trop en pente et on n’a pas de cale. Il ya 200m plus loin un petit parking au calme à côté d’un aérodrome. La réussite de notre challenge dépend en partie de la qualité de notre sommeil. On visualise une dernière fois la trace : refuge des Aiguilles d’Arves, col des 3 pointes, col Lombard, le Rieu Blanc, traversée sous les Aiguilles, col de l’épaisseur et descente finale.
Itinéraire du Tour des Aiguilles d'Arves
Première partie
6h30 – On a dormi comme deux bébés, en pleine forme après notre café et omelette du matin. Nous traversons la passerelle à 1695m rejoignant le sentier d’été menant au hameau les Aiguilles. Malgré le faible enneigement, ça passe sur le chemin qui est désormais transformé en piste de ski. Puis on avance sur un long plat monotone longeant le ruisseau des Aiguilles.
8h – Arrivé sous le refuge des Aiguilles d’Arves, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. On se sent mollasson, limite pas très énergique sur ce long plat ne favorisant pas un rythme dynamique. On envie 2 skieurs montant à l’Aiguille de l’épaisseur au Nord-ouest du refuge. Ils vont avoir d’ici peu un panorama dingue sur les Aiguilles d’Arves. De notre côté, nous remontons la combe des aiguilles jusqu’au point 2471m. On voit enfin le col des 3 pointes, 600m de dénivelé plus haut avec une petite corniche tout à fait acceptable.
9h – On monte enfin dré dans le pentu direction Sud-Ouest sous le glacier de Gros Jean. Après de nombreuses conversions très serrées, on met skis sur le sac vers 2800m. Piolet en main, nous atteignons le col à pied le visage près de la pente. Par chance des prédécesseurs ont taillé de magnifiques marches facilitant notre progression. On n’a même pas besoin de crampons car la neige n’a pas trop durci.
10h – On souffle enfin de satisfaction en effectuant le premier dépeautage au col des 3 Pointes. On a réussi le passage le plus technique de notre défi. On admire les Ecrins avec la Meije, la Barre des Ecrins et moins loin le Pic blanc du Galibier. Rapidement, on enchaine la descente dans une neige bien carton dans ce versant sud jusqu’au point 2561m.
Deuxième partie
10h30 – on remet les peaux sous l’Aiguille du Goléon, il fait chaud dans cette combe sud. La montée au col Lombard s’avale sans difficulté et presque sans conversions. La pente douce et progressive nous fait atteindre ce second col en deux coups de cuillère à pot. Mais attention de bien serrer à droite le long de l’arête de Salvador. La trace menant à l’Aiguille du Goléon me faisait de l’œil. Mais heureusement Mika la boussole du couple nous a mis dans la bonne direction.
11h45 – Second dépeautage en plein venturi et déjà 1800m de dénivelé positif réalisé. On se sent tout petit au col Lombard matérialisant le sud du massif des Aiguilles d’Arves. On profite d’une magnifique vue sur les Ecrins et sur la Maurienne avec au loin le Pic de l’étendard. L’or blanc magnifie ce panorama de sommets vierge de trace.
12h15– On avale vite fait quelques portions d’encas à la noix de coco. Notre stratégie alimentaire consiste à prendre des encas régulièrement pour ne jamais tomber en panne d’énergie. Et cela fonctionne à merveille en alternant encas sucré et encas salés type cacahuètes. il nous reste plus de la moitié du défi à parcourir alors c’est parti pour la descente. Sous nos spatules nous attend une descente de 800m jusqu’au Rieu Blanc.
12h45 – Nous voilà tout sourire après 800m de descente dans une poudreuse dont on n’a pas osé rêver. La montagne nous a offert le plus beau cadeau avec cette neige restée quasi intact. Quelle belle récompense à notre effort. On n’en revient toujours pas en collant à nouveau nos peaux de phoque sous nos skis. L’euphorie nous gagne comme si l’objectif était déjà atteint. Malheureusement il reste pas mal de vallons à traverser et surtout encore un col à gravir.
Troisième partie
13h – Seul au monde dans la combe de Rieu Blanc, la voie normale depuis le Chalmieu ou Entraigues semble désertée. Cette solitude nous convient. En fait, on la recherche en s’enfonçant dans des vallons sauvages éloignés des parkings. Le sentiment de liberté au milieu des montagnes nous amène à lâcher-prise sur nos pensées. Depuis la bâtisse du Rieu Blanc à 2295m, on admire cette vue sur ces 3 dents perçant le ciel. On fait glisser machinalement nos peaux de phoque sur la trace en direction du col de l’épaisseur.
13h30 – Un bruit sourd d’explosion nous sort de notre rêverie de bière bien fraiche. On guette autour de nous, mais pas la moindre coulée d’avalanche en vue. Faut dire que ce bruit nous a fait immédiatement penser à cela. On vient de dépasser la cabane de Rieu Blanc et la neige a bien pris le soleil. Nos peaux bottent un peu et à nouveau ce bruit sourd qui perturbe notre quiétude. Et d’un coup on sent le manteau neigeux s’affaisser sous nos skis de randonnée. En fait c’est la couche de neige qui se plaque au sol dans un bruit perturbant. On a hâte de rejoindre le versant nord qui a moins pris le soleil.
14h30 – J’arrive pleine de joie au dernier col de la journée. C’est gagné. C’est fait, il n’y a plus qu’à descendre. Je me relâche complètement alors que Mika m’annonce brutalement que l’on n’y est pas. Le col de l’épaisseur se trouve tout là-bas, me dit-il en me montrant un couloir très très loin. En fait on se trouve seulement au point 2581m entre la Tête du chat et la Basse de Gerbier. J’ai pris un coup de massue mais je me ressaisis. A vrai dire je n’ai pas le choix. Et malgré cette déconvenue, je parviens à apprécier la beauté de la vallée s’offrant à nous.
Finalement on se situe en plein centre du massif, on en prend plein les yeux. Mais surtout on en a plein les jambes. Pourtant pas d’échappatoire possible : on attaque la longue traversée sous les aiguilles.
15h30 – C’est terrible ces traces en dévers interminables, surtout après déjà 9h d’effort. On a toujours un ski plus haut que l’autre dans cette trace bancale. La cuisse du ski amont tétanise et brûle. Des crampes envahissent le mollet du ski aval. On y laisse des plumes, mais on parvient à ne pas perdre trop d’altitude ni de motivation. Arrivée au pied de la dernière montée, on se rend compte avec soulagement qu’il reste à peine 200m de dénivelé. On prend une pause de 10 minutes pour gérer le final comme des chefs. On savoure ces précieux moments de communion avec la nature et les éléments. Depuis ce matin, la montagne nous appartient. Et on se surprend de cette dose d’énergie qui continue de nous faire avancer vers l’objectif.
15h40 – En route pour l’assaut final. Les conversions bien serrées dessinent une trace efficace. Malgré tout la pente se redresse trop pour continuer ainsi. Nous devons mettre ski sur le sac pour finir à pied. Nos pas s’enfoncent dans la neige molle, la fatigue nous fait perdre patience. On peste, on grogne, on ralle comme 2 ours mal léchés. On s’arrête tous les 2 pas pour reprendre notre souffle qui ne cesse de s’emballer. Il faut serrer les dents et puiser les dernières forces au fond de nos entrailles. C’est dans ces moments-là que l’expression dépassement de soi prend tout son sens. Je dirais même ironiquement qu’elle prend du relief.
Dernière partie du tour des Aiguilles d'Arves
16h00 – La délivrance : col de l’épaisseur atteint. Troisième col de la boucle, troisième dépeautage et troisième embrassade. On a retrouvé le sourire, il s’accroche derrière les oreilles tant on est heureux du chemin parcouru. On s’enlace pour se féliciter et peut-être aussi pour se maintenir debout mutuellement. L’euphorie explose en nous et nous inonde d’une vague d’énergie. Pourtant notre raison nous ramène à la réalité, ce n’est pas fini. Sans perdre plus de temps, on se prépare à notre troisième et dernière descente de la journée. On garde le rythme pour garder toute notre attention et ne pas se refroidir. Nos cuisses sont tétanisées, pleines d’acide lactique. Pourtant elles doivent encore encaisser 1300m de descente dans une neige que l’on espère douce et facile.
16h15 – A cet instant, j’espère que mes skis portent bien leur nom. Magico, magie, mes cuisses vont en avoir besoin. L’Aiguille de l’épaisseur fait déjà de l’ombre à la première partie de la descente. Une neige dure qui met en vibration nos jambes nous fait vivre un enfer pendant cinq minutes. C’est exactement ce que l’on redoutait. Mais notre bonne étoile entre en action sous la Pointe des Ratissières. A l’entrée de la combe du Puy, on retrouve des pentes ensoleillées en moquette. Par des grands virages en carving, on boucle notre itinéraire en arrivant au hameau les Aiguilles. Le boarder-cross final bien revenu s’avale sans difficulté.
17h00 – Les skis sur l’épaule, on arrive au camion à bout de forces mais heureux. Une sensation curieuse nous envahit, comme une ambiance irréelle. Nous sommes épuisés mais toutes nos actions se déroulent comme d’habitude. Mika qui s’affaire à sécher et ranger le matériel. Moi qui organise le van et prépare à manger. On enchaine sans s’arrêter comme par peur de tomber en panne d’énergie. Jusqu’au dernier moment, on trouve encore des ressources. On n’aura jamais autant mérité la bière d’après randonnée, même deux bières.
Dénouement
A ce jour, ce tour en Maurienne représente notre plus important dénivelé réalisé en peaux de phoque. On l’a fait. On a réussi notre objectif de l’hiver : le Tour des Aiguilles d’Arves en ski de randonnée. Aujourd’hui on comprend mieux l’expression dépassement de soi. Maintes fois dans la journée, on a affronté des coups de fatigue et des doutes. Pourtant à chaque fois nous avons réussi à passer outre. La force du mental associé à un corps bien préparé et bien alimenté, nous a permis de relever ce défi. D’ailleurs pour en savoir plus sur nos diverses préparations physiques et mentales, jetez un oeil sur les articles dans lifestyle.
Bons plans
Le parking au départ de la randonnée pour accéder au refuge des Aiguilles d’Arves. Etroit ,encaissé et en pente, ce parking nécessite des cales. Il est également boueux au Printemps.
Le parking de l’aéroclub, 200m plus loin que le premier. C’est notre choix préféré en van. Il est plat, en bitume et prend mieux le soleil. Fin Mars, à 17H30 nos skis finissaient de sècher au soleil. Le col du Galibier étant fermé en hiver, le calme règne sur les 2 parkings au crépuscule.
Fromagerie : la fromagerie coopérative de Valloire dans le centre du village. On s’est régalé avec le bleu de Termignon, le bleu de Bonneval et le Beaufort. Et les prix restent très abordables même si la boutique se situe dans une station de ski des Sybelles. Cet hiver 2021, moins de 30€ le kilo de Bleu de Termignon si rare et aux alentours de 17€ pour le Beaufort.ssibles pour se réapprovisionner. Nos 2 choix pour une fin de repas au top :
Boulangerie : Le fournil des Bergers. Nous adorons les pains de campagne à la croute croustillante bien cuite, nous y avons littéralement trouvé notre bonheur. Merveilleux accords avec les fromages de la coopérative.
Pourquoi Sev&Mika adore cette course ?
Dépassement de soi, développement personnel, plaisir de la glisse et communion avec les montagnes sauvage de Maurienne. Quoi d’autre de plus essentiel ?
La beauté sauvage de la combe de Rieu Blanc nous a émus. Un véritable coup de coeur.. On y a trouvé une solitude propice au lâcher prise et à la contemplation. En fait, un long itinéraire au milieu des montagnes amène à cette forme de méditation. Le sentiment de liberté nous pousse à aller le plus loin possible dans les vallons sauvages.
On reviendra sur ce versant nord des Aiguilles d’Arves mais en partant depuis Chalmieu. Nous irons chercher la poudreuse sous le col Lombard. Cette neige légère inespérée restera le plus beau souvenir de cette journée.
La magnifique vue sur les Ecrins depuis le col des 3 pointes vaut également l’effort.
Il faut admettre que ce Tour des Aiguilles d’Arves en ski de randonnée ne deviendra pas une course classique comme le Mont Rogneux. Nous pratiquons le ski de randonnée plaisir, nous ne recherchons pas systématiquement nos limites. Nous resterons marquer longtemps par la satisfaction ressentie à l’issue de cette journée de total engagement.
A très vite pour de nouvelles glisses.